lundi 24 décembre 2012

La création de ce groupe de travail à Versailles a pour objectif de réunir des travailleurs sociaux, des enseignants et des soignants des institutions sociales et médico-sociales(éducateurs, assistants sociaux, enseignants, infirmiers, psychologues, médecins, orthophonistes, kinésithérapeutes, etc) autour de l’échange et la confrontation de différentes expériences avec des sujets pris en charge par l’institution.

Cette initiative, proposée et animée par des psychanalystes eux-mêmes engagés dans des institutions, surgit du constat qu’à l’heure de projets sécuritaires et du commandement statistique des normes dictées par des exigences de rentabilité économique, il ya un retour dans les institutions d’une jouissance de pouvoir totalitaire qui, par des injonctions normalisatrices, prône des idéaux de réinsertion sociale et scolaire, gage d’une guérison à garantir, au détriment de la vérité du sujet parlant et de l’énigme de son désir.

Orientés par la découverte freudienne de l’inconscient et ses formations, ce groupe de travail visera à travers d’exposés, de courtes vignettes cliniques, d’études de cas et d’une mise en commun de réflexions, à replacer le sujet en souffrance au cœur des interrogations. La présentation des concepts psychanalytiques freudiens et lacaniens sera le support et l’éclairage théorique pour la réflexion clinique.

Le préalable étant celui d’interroger la parole du sujet, celle qui fait énigme et qui ne peut plus être entendue dans l’institution, comment se retrouver quand l’institution vise la réduction du symptôme, les signifiants du sujet, alors que la psychanalyse cherche leur déchiffrement ?

Face à l’institution qui veut l’adaptation, le bien et la santé de l’individu, tandis que la psychanalyse à l’aide de l’éclairage de l’inconscient vise toujours l’émergence du désir inédit, le groupe de travail tentera de répondre aux questions qui touchent cette expérience institutionnelle :

-Comment peut s’inscrire la référence à l’inconscient dans l’institution ?

-Comment garantir l’écoute du subjectif face à l’Autre du discours institutionnel ?

-Comment malgré la commande institutionnelle et le mandat social écouter ce qui s’énonce du désir du sujet derrière sa demande et sa plainte ?

-Comment, parmi les idéaux de l’institution et autres projets éducatifs ou thérapeutiques, aménager des espaces de vide pour laisser la place au désir de savoir et d’apprendre sur le sujet ?
Célina Brisou-Capriotti
Dominique Cuny
ATTENTION LES TEXTES SONT DES SUPPORTS ECRITS AUX EXPOSES ORAUX ET PRESENTATIONS CLINIQUES PENDANT LES SEANCES. CE NE SONT PAS DES ARTICLES DESTINES A ETRE PUBLIES (d'où les abréviations, la non fluidité des textes, la bibliographie résumée, les citations non référencées en bas de page...) 


Les séances ont lieu le Jeudi (tous les deux mois) à 21h15
Lieu:  Association F.PREVOST
           Foyer du Parc de Clagny
           45 bis rue du Parc de Clagny
           78000 VERSAILLES


Prochaine séance: les séances sont suspendues depuis :
avril 2013

jeudi 6 décembre 2012

CLINIQUE DU TRANSFERT

Lacan affirme ds le séminaire XI(1) que le transfert et le désir de l'analyste permettent de mettre en acte, la réalité sexuelle de l'incs.
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie que quand l'analyste écoute l'inconscient,celui-ci s'exprime par l'insistance d'un désir indestructible.
C'est exactement ce qu'il se passe avec Anna O une hystérique de 21 ans traitée par Breuer en 1881.Après l'arrêt de la cure, Breuer est rappelé en urgence. Anna en proie aux douleurs d'un accouchement hystérique . Breuer s'enfuit, terrifié .
Lacan dit que c'est le désir de Breuer ( ancêtre du désir de l'analyste) qui fait entrer l'amour et la sexualité par le transfert(transfert du lien incestueux au père, ce que témoignent l'hallucination des serpents au mur et la paralysie)
Pour Schreber(2),dont Sigmund Freud consacra une étude, le transfert est aussi la mise en acte de la réalité sexuelle de l'inconscient.
 Mais chez ce sujet psychotique, la pulsion n'est pas corellée à la castration, mais libre du fait de la forclusion de la métaphore paternelle et de la non mise en place du signifiant phallus.
 Ainsi dans le séminaire III(3) Lacan dit que la parole malheureuse de Flechsig:  « qu'il va dormir d'un sommeil fécond » déclenche le délire d'être la femme de Dieu. Que s'est-il passé?
Quand Shreber revient voir Flechsig après avoir été nommé président à la cour d'appel il est confronté à la question du Père,Flechsig dans le transfert est mis à la place du père.
La phrase " dormir d'un sommeil fécond" renvoie Shreber à la jouissance du père hors phallus qui jouit de lui, il construit son délire sur cette jouissance hors phallus en devenant la femme de Dieu,seule manière pour Shreber, sujet psychotique de régler la question de la jouissance non tamponnée par la loi phallique et la m étaphore paternelle.
 Lacan ds le séminaire VIII :" le transfert" (4), définit le transfert à partir du "sujet suppose savoir" savoir sur le sujet, sur la jouissance, sur l'objet a, le bonheur...
Cette quête de savoir ne va pas sans amour pour celui qui sait, qui sait faire avec l'objet a.
Dans un article: "introjection et transfert" (5), Ferenczi parle du transfert comme l'introjection de la personnalité du médecin dans l'économie subjective du patient.
Karl Abraham parle du transfert négatif qu'il a rencontré chez les patients obsessionnels du fait d'un narcissisme hypertrophié. Ils ont une position de prestance en séance avec le thérapeute intellectualisent,ils résistent au transfert paternel.
 Lacan dans le séminaire:" le transfert" à partir du banquet de Platon dit que dans le transfert l'amour vient tt d'abord puis le désir secondairement.
À la suite de M Klein,Lacan parle de la position d'objet de l'analyste et non de père comme le pensait Freud .
Le transfert pour Lacan n'est pas uniquement répétition, mais aussi désir de savoir. Dans le séminaire XX « Encore » (6), il dit: «  celui à qui je suppose le savoir. Je l'aime ».
Mais pas tout est savoir dans le transfert. Par la réalité sexuelle de l'inconcient, le pulsionnel y est aussi intéressé . Il s'exprime par les signifiants de la demande de satisfaction

TRANSFERT DU NÉVROSE :
Un sujet névrosé qui vient parler à un analyste suppose un savoir sur ce qui lui est caché, il adresse sa demande au savoir de l'Autre. Le Point de départ c'est donc le « sujet supposé savoir »
Le transfert comme amour de l'Autre, de son savoir y faire est aussi résistance et fermeture de l'incs.
Un analysant névrosé qui se prête au transfert parie sur l'amour du savoir inconscient. À partir des impasses de l'amour rencontrées dans le transfert, ce savoir va consister à cerner un impossible, celui du rapport sexuel qui n'existe pas. À partir de là le sujet pourra inventer sa propre solution, modifier sa position par rapport à l'autre sexe.
L'analysant aura son propre savoir sur la castration, sur la signification phallique de la sexualité avec ses limites .
 L'analyse par le transfert lui révèlera un autre savoir sur le noyau de sa jouissance,son fantasme fondamental, la singularité qui cause son désir, soit son objet a d'élection.

TRANSFERT CHEZ LE PSYCHOTIQUE:
La jouissance n'a pas été arrimée à un signifiant qui fait coupure, métaphore sur la jouissance archaïque débridée soit le signifiant phallus instauré par la métaphore du Nom du Père ( jouissance 1ère passée au refoulement et apparition de la jouissance phallique limitée).
Dans la psychose, il y a donc forclusion, la jouissance n'est pas bordée par le signifiant phallus, elle est débridée, libre, non orientée par le désir et la différence sexuelle.
Le sujet psychotique n'est pas séparé de l'Autre primordial porteur de cette jouissance.Ce que dit cet Autre est vrai car il n'est pas castré, il est le responsable et le fourvoyeur de la jouissance. Quand le psychotique ne va pas bien, il vient chercher un savoir mais chez un Autre Qui sait et qui peut jouir de lui.Il n'y a pas de relativisation du ressenti primaire grâce à la dimension symbolique structurée par la métaphore phallique. Le psychotique est arrimé à l'imaginaire du double, soit tout réel de la jouissance est attribuée à l'Autre.
Face à l'incompréhension des phénomènes qui l'assaillent, le psychotique vit l'analyste comme le persécuteur,car sa certitude chute, il est dans une énigme insupportable, le monde lui est hostile, la position de réciprocité imaginaire là ne peut plus fonctionner sur le versant idéal mais sur le versant de l'agressivité et de la lutte à mort, c'est moi ou l'autre.
La difficulté du transfert avec le psychotique se situe à ce niveau car l'analyste est mis à cette place de celui qui jouit, qui persécute le sujet,qui le devine et le manipule.Ainsi le délire inclut toujours l'analyste.
Pas de refoulement donc chez le sujet psychotique, mais mise en jeu totale du réel dans le transfert. Ex: C'est l'analyste qui veut lui planter un couteau quand le malade est pris de sensations cénesthésiques .
Quand la structure psychotique est repérée , la visée de l'analyste est de permettre au sujet une élaboration signifiante pour suppléer au défaut de la structure phallique qui noue le symbolique, l'imaginaire, le réel.
Dans le transfert l'analyste tente de limiter la jouissance débridée pour que le sujet soit moins démuni quant au réel.
L'analyste doit se situer en place de petit autre, suffisamment à distance de l'amour et de la haine pour permettre un accrochage suffisant au signifiant là où il devrait y avoir métaphore du Nom du Père.
L'inconscient structuré par le langage certes mais chez le psychotique pas par la Métaphore ( refoulement de la jouissance) mais par la métonymie comme moyen de contrôler le réel non refoulé qui court.
Ex pour Shreber le transfert c'est aussi la mise en acte sexuelle de l'inconscient, mais sans l'apport de la métaphore phallique, il n'y a pas refoulement de l'amour et du désir, c'est l' érotomanie qui s'exprime.
 Exemple du transfert paranoïaque: lui un homme je l'aime, transformé en il m'aime, il veut jouir de moi, je le hais.

L'ENFANT, LE TRANSFERT, ET L'INSTITUTION:
Il faut tenir compte des parents, ce sont eux qui transfèrent sur l'analyste « le sujet supposé savoir », Il faut donc qu'ils fassent confiance au thérapeute.
Les parents ne demandent pas une psychanalyse pour l'enfant mais une rééducation des comportements déviants .
Il y a donc à évaluer la capacité de changement de la famille après plusieurs entretiens préliminaires .
Le psychanalysten'est pas pour l'enfant, constitué en « sujet supposé savoir ».
Comment à partir des symptômes de l'enfant donner ce dire qui va pour l'enfant nous instituer comme « sujet suppose savoir »?
Ex Freud qui dit à Hans qu'il savait qu'un petit Hans naîtrait en aimant énormément sa Mere et que cela allait déclencher la peur de son père.
Hans demande à Freud comment il a fait pour savoir ça? Parle-t-il avec Dieu pour savoir tout ça?
Donc chez les enfants le transfert n'est pas préalable puisque la demande ne vient pas d'eux.
Pour C Soler, il faut que le psy déclenche le transfert en ne se défendant pas de son désir et ne répugne pas à se signifier comme le complément de savoir du symptôme.
Il y a dilution du transfert dans l'institution, déjà sur l'Autre qui a adressé vers l'institution ou sur l'institution comme lieu où va s'exprimer le désir.
Toute l'institution participe à l'amorce du transfert, la secrétaire qui constitue le dossier, ou l'infirmière, en internat la lingère qui donne les draps...
Au fil du temps le transfert va pouvoir se singulariser et s'orienter vers l'analyste dans le dépôt de la souffrance propre au sujet.

Comment dans l'institution de soins ou éducative, l'insupportable de la souffrance, va être supportée ? Quelle tolérance aux troubles, à l'agir, aux passages à l'acte? Comment mettre le sujet au travail dans l'institution?
En quelque sorte quelle place l'institution fait à la parole et aux thérapeutes pour que malgrè les actes qui dérangent,le sujet puisse s'interroger sur sa responsabilité dans ce qui le fait souffrir, pour qu'il mette en parole sa jouissance, qu'il aille au delà de la plainte et produise un savoir sur lui même.
Dans l'institution, la gratuité à cours, pourtant le payement à toute sa raison d'être car payer c'est renoncer à la jouissance , en céder une part à l'autre.
Dans les institutions éducatives recevant des enfants carencés, il y a une vraie difficulté transferentielle avec les parents, ceux -ci étant vécus ou se vivant souvent comme de mauvais parents, face à l'institution toute bonne pour l'enfant.
Dans l'institution, les signifiants maître comme éduquer, enseigner, soigner, règlent la place du sujet, l'institution a le savoir, il n'y a pas de place vide pour apprendre du sujet.
L'institution vise le tous ensembles tous pareils contre le particulier, le singulier,
L'institution à l'heure de la rentabilité économique, de la standardisation des individus, des recommandations de bonnes pratiques dictées par les maîtres technocrates des ministères(ANESM agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux), n'a que le souci de mettre l'individu au pas du collectif , la norme étant ce qui sert sa cause.

Si l'enfant ne sert pas bien cette cause, il y a rejet. Impossible à supporter, affects du réel dit Colette Soler qui fait que ces enfants ne peuvent pas trouver leur place dans ces institutions.
L'insupportable étant la jouissance en trop tournée vers les autres par les passages à l'acte, les symptômes et troubles divers.
Qu'est ce qui peut permettre à une institution de renoncer à la maîtrise pour traiter de l'insupportable, de consentir à un certain évidement, à supporter en creux qu'elle n'a pas un savoir déjà constitué?
Les psychanalystes ont un rôle à jouer dans l'institution afin qu'elle ne s'enferme dans ses idéaux.L'éthique de la psychanalyse oeuvre à faire entendre que derrière la norme, il y a toujours le réel de la jouissance qui revient là où il est éjecté, le réel fait toujours insistance.
Une institution qui ne serait que dans la maîtrise et le discours du maître est une institution qui forclot le sujet, ce dernier mis en place de pion, d'objet.
L'analyste aide à remettre dans le circuit de la parole les faits, les actes.Pourquoi la mise en parole du sujet dans l'institution est un incontournable?
 Parce que c'est la parole qui met le sujet dans un rapport de demande et de désir à l'Autre, et ce qui le fait dépendre de la demande et du désir de l'Autre, c'est la pulsion.Soit elle s'exprime en actes, soit en demande.
La pulsion ce n'est pas de la pathologie, bien au contraire c'est du vital, elle pousse vers l'Autre, via la particularité des objets: oral, anal, scopique, vocal. À partir du moment où l'enfant passe par la demande,il passe par l'articulation signifiante, il substitue à la jouissance autoérotique , une jouissance liée à l'Autre par l'échange .
Ce qui, des besoins n'a pas muté en pulsions laisse le sujet en proie au réel de son organisme.
 Il y a donc nécessité à garder tout ce qui a fonction d'évidement dans l'institution propre à maintenir la faille entre demande et désir.
L'évidement c'est pour le psychanalyste ne pas être dans le tout savoir, ne pas fermer la question posée par les symptômes, ne pas les noyer dans le sens, l'interprétation , ne pas être dans la compréhension tout prête à servir.
 L'institution orientée par la psychanalyse saura créer ses propres espaces d'évidement pour qu'émerge la demande et le désir du sujet.
Pour Lacan le désir émerge et trouve son sens par le désir de l'Autre. Donc il y aura du désir chez l'enfant dans l'institution si son désir est écouté.


 1- Séminaire XI « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse » Lacan – Seuil- 1964
 2- »Mémoires d'un névropathe » in Cinq psychanalyses, sous le titre « Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa : Le président Schreber
 3- Séminaire III «Les psychoses» Lacan
 4- Le transfert » séminaire VIII Lacan
 5- Ferenczi Sandor, « Transfert et introjection », 1909, in Œuvres complètes T 1, Payot, coll. : Science de l'homme, 1990,
6- Lacan, Séminaire XX « Encore »

 D.Cuny
 02/04/2013




mercredi 5 décembre 2012

CLINIQUE DE L'ORALITE



                                                 CLINIQUE DE L'ORALITE

l'oralité fonctionne tout d'abord sur un instinct: La faim, cet instinct est dit de conservation du corps propre. Freud dans ses trois traités sur la théorie sexuelle infantile 1 nous parle de l'oralité en terme de libido sexuelle, activité érotisée chez le nourrisson.

"Pour des motifs que nous verrons plus loin, nous prenons le suçotement comme type des manifestations sexuelles de l'enfance."

Il nous dit dans le deuxième essai :

« Une première organisation sexuelle prégénitale est celle que nous appellerons orale ou, si vous voulez, cannibale. L’activité sexuelle, dans cette phase, n’est pas séparée de l’ingestion des aliments, la différenciation de deux courants n’apparaissant pas encore. Les deux activités ont le même objet et le but sexuel est constitué par l’incorporation de l’objet, prototype de ce qui sera plus tard, l’identification appelée à jouer un rôle important dans le développement psychique. »

Au-delà du fonctionnement utilitaire de la bouche par la manducation, c'est la bouche comme zone érogène qui intéresse Freud.

Dans le séminaire X, Lacan insiste sur le fait que la pulsion orale issue de l'érogénéité de la bouche se dirige vers l'objet oral soit: le sein, le lait chaud qui excite la muqueuse, le pouce que l'enfant suce dans un repli narcissique...

La relation mère-enfant constitue l'archétype de la relation orale, Freud parle de relation sexuelle prégénitale.

1/ La relation Mère-Enfant-

Entre la mère et l'enfant ça commence par un corps -à -corps réel, dans lequel le nourrisson comme sujet n'a pas encore fait son apparition. Il n' y a pas de différence entre les deux, la mère est un miroir narcissique dans lequel se mire le bébé, c'est selon la deuxième topique freudienne, l'époque du moi idéal.

Tout est idéalisé, l'enfant vit une toute-puissance, la fusion avec la mère lui donne l'illusion du paradis artificiel "pour introduire le narcissisme"
2.

La mère est un objet essentiellement érotique convoité mais qui deva aussi être perdu pour éviter à l'enfant de rester attaché à son service sexuel .

lorsque la mère est occupée ailleurs, parce qu'elle désire hors dyade, c'est-à -dire quand elle est divisée par un objet qui cause son désir (le père, un autre enfant...), il se produit un effet de coupure qui introduit le manque à jouir, manque à être, donnant à l'objet perdu qui cause le manque toute sa dimension symbolique. Ainsi c'est le désir et la pulsion orale qui permettront la constitution d'un objet interne, idéalisé, halluciné.

L'union des corps, des bouches, représente la relation orale à l'Autre. L'objet oral est cet objet créé, halluciné, à l'image de la jouissance première, il est le prototype du petit autre de la réciprocité imaginaire, pur écho du désir du sujet. La demande à cette période du stade oral, c'est la demande d'être nourri. En passant par son premier Autre, la mère, le jeune sujet reçoit son message sous une forme inversée, "se laisser nourrir".

Ce rapport à l'Autre maternel est un rapport de réciprocité imaginaire de type (a-a') selon le schéma L
3

Toute différence dans la réponse de réciprocité imaginaire, crée le conflit et active le désir.

C'est le désir d'être dans l'Autre, de bouffer l'Autre ou d' être bouffé par l'Autre.

Une mère suffisamment bonne c'est celle qui introduit son enfant au désir, qui le coupe de l'objet réel du besoin, de la jouissance. En s'absentant de la relation, en introduisant dans la dyane l'alternance : présence/absence, du tiers, un signifiant par la demande, elle fruste son enfant et devient la mère réelle c'est à dire l'agent symbolique qui prive mais aussi qui fait don. Du besoin au désir, l'enfant passe par la demande qui se vocalise en appel d'amour (appel du don de la mère).

Nadia devant l'impossibilité de prélever l'objet sur le corps de l'analyste, produit le signifiant:

"mama, mama" qui surgit comme le signifiant porteur de l'objet (halluciné) à la place de

l'objet réel
4

La petite Piggle, dans la séance avec Winnicott produit les signifiants: "les miams" "babacar" et "Maman noire", ce sont des signifiants de l'angoisse nous dit Lacan dans le séminaire sur la relation d'objet. Ils traduisent la privation orale de l'Autre barré, la mère dont l'objet électif est la petite soeur. le signifiant noir circule comme l'objet métonymique de la perte orale.5

2/L'objet et sa trace psychique

La difficulté pour le bébé est que cet objet vécu comme hors lui, s'oppose à son narcissisme autoérotique.

En 38 dans les complexes familiaux
6 lacan considère le sevrage comme le complexe le plus primitif. Pour lui le sevrage est un traumatisme psychique qui va faire passer le jeune enfant de l'objet réel à l'objet du désir.

Un sevrage trop précoce peut entraîner une fixation à l'objet réel, soit à une relation orale passive. Trop tardif, il peut être vécu comme une punition des pulsions agressives, celles qui permettent au jeune sujet de s'approprier l'objet en l'hallucinant.

Nous avons vu précédemment que face au manque et à l'absence de l'objet, le bébé dans sa toute- puissance le représente comme non manquant en l'hallucinant, c'est le 1 er refoulement, l'inscription des 1eres traces psychiques de l'objet de jouissance.

L'image mnésique de l'objet désiré est associée à la satisfaction car non seulement cela apaise le besoin mais apporte une prime de plaisir que Freud qualifie de sexuelle.

Pourtant cet objet halluciné n'est pas lui-même satisfaisant, car à terme il ne comble pas totalement la faim. l'insatisfaction physiologique et psychique est ce qui va permettre à l'enfant de réellement vivre l'objet de jouissance comme manquant et de s'en sentir séparé.

Ces traces psychiques constituent le système psychique que Freud nommera : inconscient dans la 1ere topique.

L'inconscient est donc constitué de traces psychiques de l'objet de jouissance au travers d'expériences décisives comme la satisfaction par apaisement du besoin et la souffrance quand l'objet est vécu comme dangereux c'est- à- dire quand la tension est trop forte.

Le sujet ne donne valeur d'objet d'investissement que ce qui de loin ou de près a rapport avec son désir.

Dès qu'il y a manque, il y a une régression formelle (hallucination de l'objet du désir, appelé processus primaire). Cet objet libidinalisé ne correspond pas à l'objet perçu dans la réalité, il faudra un investissement de la réalité (secondarisation) pour que l'objet de la réalité reste hors hallucination.

La sexualité comprend à la fois le plaisir en tant que réduction de l'excitation même du besoin, mais elle comprend également ce qui active l'appareil psychique soit la tension nommée jouissance par Lacan.

3/ l'oralité pathologique

C'est bien cette question de la jouissance et du débordement de l'appareil psychique qui est posée dans les symptômes de l'oralité.

Le mélancolique pense: "je ne suis rien", "je ne vaux rien" . Il y a comme une régression au stade oral, à l'identification primitive, il est ce mauvais objet, ce déchet à expulser, il se détruit car s'incorpore lui- même comme mauvais objet.

L'anorexique: peut être considérée comme une déviation de la pulsion orale. La mère gavante ne laisse pas de place au désir qui finit par se transformer en : " se nourrir de rien".

Lacan dit que la négation ne porte pas sur l'action de manger, mais sur l'objet qui est mangé. Ainsi l'anorexique n'énonce pas: " je ne mange pas" mais: " je ne mange rien".

"Manger rien" a une fonction symbolique, celle de faire valoir l'objet oral non comme un objet du besoin mais comme objet signe de l'amour de l'Autre. Ainsi le sujet tente de sauver son désir en rappelant à la mère que c'est de son amour qu'il est assoiffé et non de la nourriture.

( A savoir que dans l'anorexie névrotique, c'est le ratage de la fonction symbolique qui pousse le sujet à se fixer sur un objet oral de privation et non sur le phallus imaginaire).

L'autiste: Il n'y a pas d'autre où prendre l'objet. l'objet sein (comme le regard, la voix, les feces) est sans rapport avec un Autre qui en donne le goût, le plaisir, le sens. Il n'y a pas de montage pulsionnel chez l'autiste, pas de désir.L'objet n'est ni perdu, ni spécularisé, c'est un pur réel qu'il lèche, colle à sa bouche, refuse d'absorber, qui lui est indifférent.

le consumérisme : la société capitaliste de surconsommation fait surgir une multitude de biens consommables et peuple notre monde d'un foisonnement d'objets de désir. Cette société qui s'enrichit par cette pléthore d' objets de jouissance se voit de plus en plus dérégulée par les manifestations de l'agressivité, l'envie, la haine, qui sont les symptômes de revendications désespérées d'une jouissance qui faute d'être apaisée, tempérée, déborde le fonctionnement psychique des sujets.

Si chaque structure clinique se fonde sur une structuration particulière du désir, on peut mesurer à travers les symptômes, les manifestations pulsionnelles de l'enfance et le rapport à la jouissance que chacune entretient . l'anorexie, le dégoût et la boulimie chez l'hystérique, la conjuration du trop de jouissance chez l'obsessionnel dans le rapport à la mère dès la petite enfance, l' engloutissement du psychotique dans un objet fusionnel ou une jouissance persécutrice venant d'un Autre barré.

 

 

 

 

 

1) Trois traités sur la théorie sexuelle infantile

2/ Pour introduire le narcissisme Freud coll Payot 1914

3/stade du miroir Lacan

4/ Naissance de l'Autre R et R Lefort

5/
Jacques Lacan La relation d’objet (1956-1957

Winnicott D.W.W., La petite Piggle, Payot, Paris, 1980


6/En 38 dans les complexes familiaux


Par Dominique CUNY le 29/11/2012

mardi 8 novembre 2011

QU'EST-CE QUE L'HOLOPHRASE ?


( In séminaire XI "les quatre concepts de la psychanalyse")

En linguistique, l'holophrase désigne l'emploi d'un seul mot pour exprimer une phrase.

Lacan considère que l'holophrase c'est l'absence de nouage entre la chaîne des signifiants et la chaîne des signifiés

La Métaphore du Nom du Père est ce qui permet de lier les signifiants entre eux pour produire un effet de signification (S1-S2) (signifiant/signifié).

Quand il y a un défaut du N d P, il n'y a pas de lien de signification, le signifiant reste isolé dans la phrase (les S1 à la suite hors sens). Ce signifiant hors sens, privé d'une signifiance donnée par S2, est en rupture de la chaîne signifiante, ce signifiant surgit du réel.

Ce signifiant hors chaîne, énigmatique, le sujet psychotique, va lui donner un sens hors Métaphore du N du P, un sens délirant ("truie" entendue par la patiente de Freud en revenant de chez le boucher).

Par contre l'holophrase n'est pas une métaphore délirante, une tentative de donner un sens hors chaîne, mais elle est une prise en masse des signifiants. Il ne peut y avoir intervalles entre eux, puisque l'intervalle est le signe de la rupture métaphorique. l'holophrase est constituée de blocs de signifiants égaux (S1), donnant des phrases dites sur le même ton, agrégats de mots répétés sans fin (litanies, stéréotypies verbales, ritournelles...) .

A ce niveau on est plus dans la jouissance de la lettre, les phrases n'ont pas de message (ex Joyce avec ses épiphanies, ces fragments de dialogue entendus dans la rue et extraits de leur contexte signifiant).

Le S1 est son, phonème, lettre jouïe, le S2 est signifié, sens. En ce sens la lalangue est faite de uns, ce n'est pas du symbolique, c'est du réel, du son hors chaîne.

Dans le séminaire XI, il y a un commentaire du travail de Maud Mannoni sur l'enfant retardé ("l'enfant arrièré et sa mère"). Mannoni situe la débilité du côté du symptôme. Le corps de l'enfant et son désir ne sont pas différenciés du corps et du désir de la mère. La non séparation fait qu'il n'y a que du "Un", Lacan associe cela au langage en disant que cette non séparation, est ce qui donne l'holophrase comme répétition des "uns" chez l'enfant débile.

Dans son séminaire, il distingue le niveau de l'énoncé et le niveau de l'énonciation (représentés par deux lignes en bas du graphe du désir (séminaire VI, le désir et son interprétation).

L'énoncé désigne les signifiants qui préexistent à la naissance du sujet et que l'on situe au lieu de l'Autre (A). Pour que ces signifiants existent il faut que quelqu'un les prononce pour l'enfant.

C'est dans cet acte d'énoncer les signifiants que Lacan situe l'énonciation.

Deux exemples donnés par Lacan, les exclamations: "Du pain" et "Au secours", ce qui surgit dans ces phrases, se situe sur le plan du besoin (le sujet en tant que besoin), le sujet n'est pas dégagé de l'énoncé, ainsi dans l'holophrase, le sujet ne se trouve pas dégagé de l'énoncé, c'est monolithique, tout est dans la prise en masse.

Dans l'énonciation c'est tout à fait autre chose, là le sujet se compte lui même, à part, dans une coupure avec ce qui est dit. lacan propose la formulation suivante: " j'ai trois frères, Paul, Ernest et moi" cette phrase illustre ce qui se passe quand le sujet qui parle se compte à part des termes de l'énoncé. Le moi est bien ce "Je" qui parle et qui se distincte de Paul, Enerst.

De même quand le sujet dit: " je ne dis pas", on entend bien le je de l'énonciation qui contredit le je de l'énoncé puisque le sujet tout en nous annonçant le fait de ne pas dire, le dit quand même en prenant la parole. l'énonciation surgit par la grammaire dit lacan dans ce séminaire.

Pour l'illustrer cela, voici la formulation: "je ne savais pas qu'il fût mort". Elle fait entendre la première partie de la phrase conjuguée à l'imparfait de l'indicatif alors que la suite correspond au subjonctif. lacan dit que ce n'est pas du repérage temporel mais bien intentionnel, qui est exprimé dans la différence du temps, et cela biensûr renvoie à la typologie du désir où le je de l'énonciation se fait entendre.

Cet exposé montre que l'holophrase est du côté de
la jouissance alors que la métaphore se situe du côté du sens. Ainsi dans la clinique on constate l'apparente docilité des sujets dits débiles. Ce sont des sujets qui se conforment au discours de l'Autre, qui ne s'interrogent pas. Tout porte à penser que ces sujets s'interdisent de savoir, Ils s'accommodent bien que l'autre sache et désire à leur place.

Chez les sujets psychotiques, c'est différent. Ils ne supportent pas le manque à savoir, et pour y remédier construisent un savoir délirant, à partir du désir de l'autre toujours menaçant.

Ils ont leur certitude, c'est leur manière de penser la maîtrise.

Après le séminaire XI, Lacan laissera le terme d'holophrase pour le remplacer par le mot "Un", un tout seul.

                                                                                                                           Dominique CUNY

                                                                                                                                          Nov 2011